Dans le paysage du Trail en France, les Templiers ont une place particulière. Avec les courses 6000d et la Saintélyon, elles se disputent le titre de premier trail organisé en France. La première édition de la course des Templiers date de 1995. Cette année l'organisation fêtait les 30 ans ! Mais quelques soit le verdict, les Templiers sont assurément reconnus comme la course représentant l'essence même du Trail en France. La course a été fondée par Gilles Bertrand et Odile Baudrier. Un couple de journalistes sportifs très inspirant. Ils ont importé des Etats-Unis, le concept de course d'endurance en nature, et ont donné un nom a cette discipline le « Trail ». La course qu'ils ont créée est devenu rapidement une course de référence, avant même l’arrivée de l’UTMB. 

A l’origine, les premières courses aux US : Western states, Leadville Colorado, Hard rock étaient des courses de chevaux sur 24h, qui se sont transformées progressivement en course à pied dans les années 80/90. Des parcours que les cavaliers devaient boucler en moins de 24h, puis les premiers coureurs à pied pionniers dans les années 1970 ont démontré que ces performances pouvaient être égalées voire dépassées par des coureurs à pied. Le « Trail Running », était lancé. 

Intéressé par l’histoire et la réputation de la course des Templiers depuis que j’ai commencé le trail, c'est tout naturellement que je me suis décidé à participer à cet évènement, dans un esprit de retour aux sources de ce sport. 

Arrivés la veille à Millau avec Cécile, et après une nuit courte et agitée, je me retrouve au départ à 4h du matin. J'arrive à peine 5min avant le départ et me faufile pour tenter de me rapprocher un peu de la ligne. Je retrouve par hasard Raphael un ancien pote d'Evian. Nous échangeons quelques mots de retrouvaille. La musique Ameno d'Era retentit et le départ est donné. 

Je ne suis pas vraiment serein, la préparation a été faite mais je ressens le manque de sommeil des deux dernières nuits, ainsi qu’une certaine fatigue, malgré l’allègement des entrainements à l’approche de mon objectif. Les doutes sont bien là. Les 100km, 4000m de d+ au menu sont un défi qui me parait énorme et que j’aborde sans aucune certitude. 

Après quelques km d’amorce, une première montée de 500m de d+, nous mène au plateau des Causses Noires.  La longue file de coureurs s'étire doucement. Je retrouve Gauthier peu de temps après le départ. Je le reconnais à son allure et à ses écouteurs accrochés à ses oreilles. Je fais une partie de la montée avec lui et avec son pote Sylvain, mais le rythme ne me convient pas et je pars en éclaireur devant.  De manière générale je préfère courir à mon rythme sur les courses et rester à l'écoute de mes sensations. 

Le chemin est large dans cette montée. Il se rétrécit ensuite à l’amorce de la descente. Il n’y a pas véritablement de bouchons, mais le chemin monotrace et ne permet pas de doubler. Il faut prendre son mal en patience. Je suis un peu frustré, je dois renoncer aux descentes un peu rapides, comme j’aime les pratiquer et qui me permettent de doubler quelques coureurs plus prudents. 

Malgré l’encombrement, un coureur tente tout de même de forcer le passage. Je sens que cela grince des dents dans le peloton. En revanche lorsque le chemin se fait plus large en montée ou sur le plateau, je force l'allure pour pouvoir me dégager de la masse. 




Nous atteignons un premier village Le Rozier. C'est un village typique composé de maisons en pierre de taille. Il est traversé par la rivière le Tarn. Il est situé au fond d’une vallée très étroite et encaissée, dominée par des falaises et des statues naturelles de pierres géantes érigées en haut des montagnes. Le Tarn est en crue et le courant est violent. Il dégage une puissance impressionnante. Les eaux se déchainent et cette agitation contraste avec la quiétude de ce village. Cécile m’attend à ce premier ravitaillement. Elle me dit que Gauthier est passé avant moi et vient de repartir. Je pense qu’il a dû me doubler à la faveur d’un arrêt technique. Je repars quelques minutes derrière lui.   

Le village passé, nous repartons à l'assaut des montagnes et des murailles de pierre. 



L’itinéraire suit un enchainement de descentes au fond des gorges (les gorges du Tarn, de la Dourbie, de la Jonte) et de remontées sur les plateaux (Causse Noir, Causse Méjean et Larzac). Il y a une grande variété de paysages. Les plateaux sont arides balayés par les vents. Les arbres ne dépassent pas 2 à 3 mètres de hauteur. Sur certains versants les forêts sont denses, les arbres torturés et couverts de mousses et de lichens. Il faut se faufiler entre les arbres et les branches qui obstruent le passage sur le chemin étroit. L'ambiance peut paraitre parfois lugubre avec la bruine incessante qui tombe et remplit l'espace d'un épais brouillard. 

L'endurance trail, course du festival des Templiers est très exigeante. Les montées sont intenses. Les descentes abruptes, quelquefois rocailleuses ou bien boueuses. Il y a aussi de longs passages sur les plateaux qui demandent de courir avec des changements de rythmes incessants.

Je tente de gérer au mieux mon alimentation. Je prends un gel ou une barre toutes les 45 minutes environ en 2 ou 3 prises de façon à lisser au maximum la prise de glucide. De temps en temps un petit coup de fatigue me rappelle à l’ordre et je m’empresse de reprendre quelque chose.  

Au cours de la première partie de la course, je suis un groupe de trailers en descente. Impossible de les doubler. Le gars devant moi semble éprouver quelques difficultés à suivre le rythme. Il fait tomber son bâton. Je m'arrête le ramasse et le lui tend. Il me remercie. En bas de la descente nous arrivons an village de Truel. Un gars me bouscule, il veut absolument retrouver ses camarades devant. Il fait trois pas et s'étale lamentablement dans la boue. Je me penche pour l'aider à se relever et vérifier qu’il ne s’est pas blessé. C’est le même coureur ! Décidément !


Arrivé au ravitaillement de Saint André de Vézines à la mi-course, j’appelle Cécile au téléphone. Elle est bloquée. Les routes sont barrées. Elle ne peut pas me rejoindre. Heureusement que j’avais prévu une réserve suffisante de gels et de barres pour tenir jusqu’au prochain rendez-vous. Je me restaure avec un bol de soupe et quelques morceaux de fromages et de jambons. 

J’aperçois Gauthier et Sylvain qui arrivent 2 minutes après moi. On échange nos impressions. Tous les voyants sont au vert ! Je m’attarde un peu pour un arrêt de plus de 15min et j’aperçois Gauthier et Sylvain qui quittent le ravitaillement. Je me lance à leurs trousses. 

Dans la descente vers la Roque sainte Marguerite. Le chemin monotrace est vraiment raide. La descente parait interminable. Les lacets s'enchainent. Elle me fait penser à la descente vers Courmayeur lors de l’UTMB qui était pourtant beaucoup plus longue… J’ai les jambes raides, je sers les dents. Il me reste 40km pour rejoindre Millau, une paille par rapport au 100km qu’il me restait sur l’UTMB lors de cette longue descente sur la ville italienne. Arrivé en bas, je prends un gel pour me rebooster. 


Je continue à apprécier les paysages et la découverte de ces vallées encaissées de ces garrigues, de ces plateaux balayés par le vent et de ces falaises façonnées par la dureté des conditions. Je me sens petit face à cette nature immense et tourmentée façonnée par le temps. Nous traversons des petits villages ou hameaux perdus. Nous sommes dans le Larzac. Des hommes et des femmes vivent ici, habités par cette nature belle et austère. On comprend l'attachement qu’ils ont à cette terre, et leur aversion pour certains à la société de consommation. 

Je retrouve Cécile au ravitaillement de La Salvage à 25km de l’arrivée. C’est l’occasion d’un arrêt plus long de 20 min. Je me change et me restaure avec la purée de patates douces maison. Quel bonheur ! Je croise une nouvelle fois Gauthier. Nous faisons un bout de chemin ensemble. Il me commente la dernière ascension et la dernière descente qui se profile avant de rejoindre l’arrivée à Millau. Elles s’annoncent horribles. 

 J’arrive seul, à la nuit tombée, au dernier point d’eau de Massebiau. Le hameau est situé au fond d’une vallée à 10km de l’arrivée. Il reste plus de 500m de d+ à gravir. Je remplis mes flasques et repars aussitôt. Je jette un œil sur ma montre : 15h d’effort. Mon objectif de temps de 18h semble atteignable voire pourquoi pas les 17h ! 

J’attaque la dernière ascension avec détermination. Mais c’est un mur qui se dresse devant moi ! C’est le moment de jeter mes dernières forces dans la bataille. Je progresse au ralenti, accablé par la pente. La montée est longue, je m’oblige à garder un rythme régulier. 

Un dernier ravito m’attend au sommet. Le Cade. Il est organisé dans une grande salle logée dans une ancienne bergerie en pierre de taille. C’est magnifique. L’ambiance et chaleureuse et le buffet donne envie. Il reste 6km. Je suis proche de la fin, mais je m’attarde un peu à la recherche d’une soupe ou de quelques bonnes choses à grignoter. 

Après quelques « up and down », enfin la descente vers Millau. Elle est raide et technique. Le chemin étroit est rythmé par les rondins qui forment des marches d’escalier de bonne taille. J’accélère et double quelques concurrents. Un gars m’emboite le pas. Je lui demande s’il veut passer. Il me répond qu’il préfère rester derrière moi. A l’approche de coureurs au ralenti dans la descente, le gars derrière moi leur demande de nous laisser passer ! nous faisons équipe ! et les coureurs se décalent. La moitié de la descente est avalée rapidement, puis soudain, le chemin remonte sur un méchant raidillon … 

C’est la panne sèche qui me tombe dessus subitement, impossible de passer la deuxième pour gravir cette dernière bosse. Je me retourne vers mon coéquipier de descente pour qu’il me passe devant. Je dois m’arrêter. Les quelques mètres à gravir sont un calvaire. Nous passons dans une grotte éclairée, et animée par 2 organisateurs qui nous encourage au son d’une musique de rock. 

La descente reprend, ce qui me permet de retrouver mon rythme précédent. A nouveau un gars me suit derrière. S’agit-il du même coureur ?   J’entends la sono de l’arrivée à 100 ou 200 mètres en dessous.  Le fond de la vallée semble encore loin. Mais l’approche de l’arrivée me donne des ailes et les derniers mètres sont avalés. 

Je passe la ligne d’arrivée, dans une super ambiance, la foule m’encourage. Cécile m’attend derrière les barrières, et me félicite. Je franchis la ligne en 17h07. La distance relevée est de 100km et 4300m d+. Je me classe 568ème sur 1068 finishers. 

Je retrouve Gauthier derrière la ligne. Heureux tous les 2, nous prenons le temps enfin de bavarder et d'échanger sur nos émotions et nos exploits à une table du ravitaillement de l’arrivée en savourant notre aligot saucisse bien mérité. 


le profile de l'Endurance trail :


Merci à Cécile ! Mon assistante de choc et amoureuse, qui a réussi le lendemain une superbe course sur la VO2 (17km, 700m d+). Bravo à elle ! 

Bravo à Gauthier pour sa très belle course et notre chassé-croisé ! 

Bravo à Yuravin pour avoir réussi magistralement sa course « l’intégrale des Causses » ! 

Bravo à Raphaël pour avoir enchainer avec succès « l’Endurance trail » et la « Troubadours » le lendemain !

Bravo à Gilles pour sa performance aussi sur « l’Endurance Trail » ! Nous avons découvert grâce à Strava, que nous avions fait la même course ! Nous nous sommes retrouvés le lendemain et avons esquissé un projet de fous peut être pour l’année prochaine sur une île bien connue.

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