mes récits de course

Dans le paysage du Trail en France, les Templiers ont une place particulière. Avec les courses 6000d et la Saintélyon, elles se disputent le titre de premier trail organisé en France. La première édition de la course des Templiers date de 1995. Cette année l'organisation fêtait les 30 ans ! Mais quelques soit le verdict, les Templiers sont assurément reconnus comme la course représentant l'essence même du Trail en France. La course a été fondée par Gilles Bertrand et Odile Baudrier. Un couple de journalistes sportifs très inspirant. Ils ont importé des Etats-Unis, le concept de course d'endurance en nature, et ont donné un nom a cette discipline le « Trail ». La course qu'ils ont créée est devenu rapidement une course de référence, avant même l’arrivée de l’UTMB. 

A l’origine, les premières courses aux US : Western states, Leadville Colorado, Hard rock étaient des courses de chevaux sur 24h, qui se sont transformées progressivement en course à pied dans les années 80/90. Des parcours que les cavaliers devaient boucler en moins de 24h, puis les premiers coureurs à pied pionniers dans les années 1970 ont démontré que ces performances pouvaient être égalées voire dépassées par des coureurs à pied. Le « Trail Running », était lancé. 

Intéressé par l’histoire et la réputation de la course des Templiers depuis que j’ai commencé le trail, c'est tout naturellement que je me suis décidé à participer à cet évènement, dans un esprit de retour aux sources de ce sport. 

Arrivés la veille à Millau avec Cécile, et après une nuit courte et agitée, je me retrouve au départ à 4h du matin. J'arrive à peine 5min avant le départ et me faufile pour tenter de me rapprocher un peu de la ligne. Je retrouve par hasard Raphael un ancien pote d'Evian. Nous échangeons quelques mots de retrouvaille. La musique Ameno d'Era retentit et le départ est donné. 

Je ne suis pas vraiment serein, la préparation a été faite mais je ressens le manque de sommeil des deux dernières nuits, ainsi qu’une certaine fatigue, malgré l’allègement des entrainements à l’approche de mon objectif. Les doutes sont bien là. Les 100km, 4000m de d+ au menu sont un défi qui me parait énorme et que j’aborde sans aucune certitude. 

Après quelques km d’amorce, une première montée de 500m de d+, nous mène au plateau des Causses Noires.  La longue file de coureurs s'étire doucement. Je retrouve Gauthier peu de temps après le départ. Je le reconnais à son allure et à ses écouteurs accrochés à ses oreilles. Je fais une partie de la montée avec lui et avec son pote Sylvain, mais le rythme ne me convient pas et je pars en éclaireur devant.  De manière générale je préfère courir à mon rythme sur les courses et rester à l'écoute de mes sensations. 

Le chemin est large dans cette montée. Il se rétrécit ensuite à l’amorce de la descente. Il n’y a pas véritablement de bouchons, mais le chemin monotrace et ne permet pas de doubler. Il faut prendre son mal en patience. Je suis un peu frustré, je dois renoncer aux descentes un peu rapides, comme j’aime les pratiquer et qui me permettent de doubler quelques coureurs plus prudents. 

Malgré l’encombrement, un coureur tente tout de même de forcer le passage. Je sens que cela grince des dents dans le peloton. En revanche lorsque le chemin se fait plus large en montée ou sur le plateau, je force l'allure pour pouvoir me dégager de la masse. 




Nous atteignons un premier village Le Rozier. C'est un village typique composé de maisons en pierre de taille. Il est traversé par la rivière le Tarn. Il est situé au fond d’une vallée très étroite et encaissée, dominée par des falaises et des statues naturelles de pierres géantes érigées en haut des montagnes. Le Tarn est en crue et le courant est violent. Il dégage une puissance impressionnante. Les eaux se déchainent et cette agitation contraste avec la quiétude de ce village. Cécile m’attend à ce premier ravitaillement. Elle me dit que Gauthier est passé avant moi et vient de repartir. Je pense qu’il a dû me doubler à la faveur d’un arrêt technique. Je repars quelques minutes derrière lui.   

Le village passé, nous repartons à l'assaut des montagnes et des murailles de pierre. 



L’itinéraire suit un enchainement de descentes au fond des gorges (les gorges du Tarn, de la Dourbie, de la Jonte) et de remontées sur les plateaux (Causse Noir, Causse Méjean et Larzac). Il y a une grande variété de paysages. Les plateaux sont arides balayés par les vents. Les arbres ne dépassent pas 2 à 3 mètres de hauteur. Sur certains versants les forêts sont denses, les arbres torturés et couverts de mousses et de lichens. Il faut se faufiler entre les arbres et les branches qui obstruent le passage sur le chemin étroit. L'ambiance peut paraitre parfois lugubre avec la bruine incessante qui tombe et remplit l'espace d'un épais brouillard. 

L'endurance trail, course du festival des Templiers est très exigeante. Les montées sont intenses. Les descentes abruptes, quelquefois rocailleuses ou bien boueuses. Il y a aussi de longs passages sur les plateaux qui demandent de courir avec des changements de rythmes incessants.

Je tente de gérer au mieux mon alimentation. Je prends un gel ou une barre toutes les 45 minutes environ en 2 ou 3 prises de façon à lisser au maximum la prise de glucide. De temps en temps un petit coup de fatigue me rappelle à l’ordre et je m’empresse de reprendre quelque chose.  

Au cours de la première partie de la course, je suis un groupe de trailers en descente. Impossible de les doubler. Le gars devant moi semble éprouver quelques difficultés à suivre le rythme. Il fait tomber son bâton. Je m'arrête le ramasse et le lui tend. Il me remercie. En bas de la descente nous arrivons an village de Truel. Un gars me bouscule, il veut absolument retrouver ses camarades devant. Il fait trois pas et s'étale lamentablement dans la boue. Je me penche pour l'aider à se relever et vérifier qu’il ne s’est pas blessé. C’est le même coureur ! Décidément !


Arrivé au ravitaillement de Saint André de Vézines à la mi-course, j’appelle Cécile au téléphone. Elle est bloquée. Les routes sont barrées. Elle ne peut pas me rejoindre. Heureusement que j’avais prévu une réserve suffisante de gels et de barres pour tenir jusqu’au prochain rendez-vous. Je me restaure avec un bol de soupe et quelques morceaux de fromages et de jambons. 

J’aperçois Gauthier et Sylvain qui arrivent 2 minutes après moi. On échange nos impressions. Tous les voyants sont au vert ! Je m’attarde un peu pour un arrêt de plus de 15min et j’aperçois Gauthier et Sylvain qui quittent le ravitaillement. Je me lance à leurs trousses. 

Dans la descente vers la Roque sainte Marguerite. Le chemin monotrace est vraiment raide. La descente parait interminable. Les lacets s'enchainent. Elle me fait penser à la descente vers Courmayeur lors de l’UTMB qui était pourtant beaucoup plus longue… J’ai les jambes raides, je sers les dents. Il me reste 40km pour rejoindre Millau, une paille par rapport au 100km qu’il me restait sur l’UTMB lors de cette longue descente sur la ville italienne. Arrivé en bas, je prends un gel pour me rebooster. 


Je continue à apprécier les paysages et la découverte de ces vallées encaissées de ces garrigues, de ces plateaux balayés par le vent et de ces falaises façonnées par la dureté des conditions. Je me sens petit face à cette nature immense et tourmentée façonnée par le temps. Nous traversons des petits villages ou hameaux perdus. Nous sommes dans le Larzac. Des hommes et des femmes vivent ici, habités par cette nature belle et austère. On comprend l'attachement qu’ils ont à cette terre, et leur aversion pour certains à la société de consommation. 

Je retrouve Cécile au ravitaillement de La Salvage à 25km de l’arrivée. C’est l’occasion d’un arrêt plus long de 20 min. Je me change et me restaure avec la purée de patates douces maison. Quel bonheur ! Je croise une nouvelle fois Gauthier. Nous faisons un bout de chemin ensemble. Il me commente la dernière ascension et la dernière descente qui se profile avant de rejoindre l’arrivée à Millau. Elles s’annoncent horribles. 

 J’arrive seul, à la nuit tombée, au dernier point d’eau de Massebiau. Le hameau est situé au fond d’une vallée à 10km de l’arrivée. Il reste plus de 500m de d+ à gravir. Je remplis mes flasques et repars aussitôt. Je jette un œil sur ma montre : 15h d’effort. Mon objectif de temps de 18h semble atteignable voire pourquoi pas les 17h ! 

J’attaque la dernière ascension avec détermination. Mais c’est un mur qui se dresse devant moi ! C’est le moment de jeter mes dernières forces dans la bataille. Je progresse au ralenti, accablé par la pente. La montée est longue, je m’oblige à garder un rythme régulier. 

Un dernier ravito m’attend au sommet. Le Cade. Il est organisé dans une grande salle logée dans une ancienne bergerie en pierre de taille. C’est magnifique. L’ambiance et chaleureuse et le buffet donne envie. Il reste 6km. Je suis proche de la fin, mais je m’attarde un peu à la recherche d’une soupe ou de quelques bonnes choses à grignoter. 

Après quelques « up and down », enfin la descente vers Millau. Elle est raide et technique. Le chemin étroit est rythmé par les rondins qui forment des marches d’escalier de bonne taille. J’accélère et double quelques concurrents. Un gars m’emboite le pas. Je lui demande s’il veut passer. Il me répond qu’il préfère rester derrière moi. A l’approche de coureurs au ralenti dans la descente, le gars derrière moi leur demande de nous laisser passer ! nous faisons équipe ! et les coureurs se décalent. La moitié de la descente est avalée rapidement, puis soudain, le chemin remonte sur un méchant raidillon … 

C’est la panne sèche qui me tombe dessus subitement, impossible de passer la deuxième pour gravir cette dernière bosse. Je me retourne vers mon coéquipier de descente pour qu’il me passe devant. Je dois m’arrêter. Les quelques mètres à gravir sont un calvaire. Nous passons dans une grotte éclairée, et animée par 2 organisateurs qui nous encourage au son d’une musique de rock. 

La descente reprend, ce qui me permet de retrouver mon rythme précédent. A nouveau un gars me suit derrière. S’agit-il du même coureur ?   J’entends la sono de l’arrivée à 100 ou 200 mètres en dessous.  Le fond de la vallée semble encore loin. Mais l’approche de l’arrivée me donne des ailes et les derniers mètres sont avalés. 

Je passe la ligne d’arrivée, dans une super ambiance, la foule m’encourage. Cécile m’attend derrière les barrières, et me félicite. Je franchis la ligne en 17h07. La distance relevée est de 100km et 4300m d+. Je me classe 568ème sur 1068 finishers. 

Je retrouve Gauthier derrière la ligne. Heureux tous les 2, nous prenons le temps enfin de bavarder et d'échanger sur nos émotions et nos exploits à une table du ravitaillement de l’arrivée en savourant notre aligot saucisse bien mérité. 


le profile de l'Endurance trail :


Merci à Cécile ! Mon assistante de choc et amoureuse, qui a réussi le lendemain une superbe course sur la VO2 (17km, 700m d+). Bravo à elle ! 

Bravo à Gauthier pour sa très belle course et notre chassé-croisé ! 

Bravo à Yuravin pour avoir réussi magistralement sa course « l’intégrale des Causses » ! 

Bravo à Raphaël pour avoir enchainer avec succès « l’Endurance trail » et la « Troubadours » le lendemain !

Bravo à Gilles pour sa performance aussi sur « l’Endurance Trail » ! Nous avons découvert grâce à Strava, que nous avions fait la même course ! Nous nous sommes retrouvés le lendemain et avons esquissé un projet de fous peut être pour l’année prochaine sur une île bien connue.


Partie I.


31 août 2023, veille de la course, Cécile et moi arrivons à Saint-Gervais où nous logeons pendant ce weekend UTMB. Nous nous installons puis nous allons faire un tour dans la ville. 

Les montagnes sont magnifiques et le temps est au beau fixe. L’ambiance est calme dans cette petite ville, les touristes sont encore nombreux en cette fin août, nous croisons de nombreux randonneurs de retour de leurs escapades et même quelques traileurs. Nous sommes loin de la fièvre et de l’électricité qui animent la ville de Chamonix, la veille du départ de l’UTMB. C’est un peu volontaire, je préfère rester au calme le plus longtemps possible avant de plonger dans l’excitation de l’avant course. 

La soirée se passe très calmement ainsi que la nuit. Nous nous rendons le lendemain matin à Chamonix pour retirer mon dossard. Je traverse la ville le cœur battant, les yeux écarquillés. Celle-ci est investie par l’évènement. Tout le monde a le sourire, le jour J est arrivé. Chamonix vit depuis une semaine au rythme du trail et de la course. 

Nous passons devant la ligne d'arrivée. je n'ose m'imaginer la franchir dans quelques heures !


Nous retirons mon dossard et traversons le salon du trail qui accueille de très nombreux stands. Toutes les marques qui comptent sont là, c’est la preuve que l’engouement actuel autour du trail déclenche beaucoup d’appétit … 

Après cette immersion, nous rentrons à Saint-Gervais, pour préparer mon sac à dos, le sac d’allègement qui m’attendra à Courmayeur et le sac que Cécile apportera pour les quatre assistances pendant la course, Courmayeur, Champex, Trient et Vallorcine. Il y a tellement de choses auxquelles il faut penser, entre les équipements obligatoires, les équipements à prévoir dans les sacs en fonction des scénarios de course, les aliments barres, gels, compotes, purées, boisson isotonique, pastilles électrolytes, chargeurs et batteries pour la montre, lampe frontale, téléphone … j’ai fait des listes de matériel, préparer des petits sacs contenant les aliments prévus à chaque étape… Le stress monte, est-ce que je n’ai rien oublié ?


C’est l’heure, il faut partir. Nous avons rendez-vous avec Daniel, un Américain, que nous emmenons avec nous au départ de la course. Il avait lancé la veille un appel sur Facebook pour un covoiturage. Nous faisons la conversation durant le trajet en voiture. Il vient de Californie et s’est installé avec sa famille à Bâle en Suisse. Cette conversation légère fait du bien et permet de faire baisser la pression.   

Arrivés à Chamonix nous sommes chanceux de trouver une place libre au parking à l’entrée de la ville. Nous suivons le flot des coureurs pour aller déposer le sac d’allègement. La foule est dense. Une heure avant le départ, j’ai un éclair. Je me rends compte que je n’ai pas protégé ni mes épaules, ni mes tétons comme j’avais prévu de le faire. 

Nous voilà partis à la recherche d’une pharmacie pour trouver de la bande Elastoplast et une paire de ciseaux. Nous en trouvons une et entrons. Nous sommes accueillis par une pharmacienne très compréhensive. Cécile demande à pouvoir s’installer quelque part et me voilà dans l’arrière-boutique de la pharmacie torse nu pendant que Cécile s’affaire sur mes épaules. Je me rhabille puis traverse de nouveau la pharmacie en tenue de traileur sac à dos, slalomant entre les pharmaciennes en blouse blanche.  Ouf ! nous pouvons nous diriger vers la zone de départ un peu plus sereins ! 

Nous sommes à 45 minutes du départ. Il est presque impossible de s’approcher de la place du triangle qui est pleine à craquer. Je dois laisser Cécile. Embrassades, baisers, je me faufile pour me placer tout à l’arrière de la zone de départ. 

Je peux me concentrer sur l’épreuve qui m’attend. Il y a une énergie folle qui se dégage de ces 2800 coureurs rassemblés qui attendent ce moment depuis si longtemps et qui sont en train de vivre leur rêve comme moi je le vis en ce moment. Il y a tellement d’attente, tellement d’espoir, tellement de peur aussi. Tout cela se mélange. Je suis là et je vis enfin le départ que j’avais imaginé des centaines de fois lors de mes entrainements. Mon rendez-vous raté d’il y a 2 ans pour la CCC est oublié. 

Le speaker de l’UTMB Ludovic Collet, fait monter l’ambiance et l’émotion, la musique célèbre de Vangelis « Conquest of paradise » retentit. Je ressens des frissons. Je regarde le chemin parcouru jusqu’à maintenant. Il y a une forme d’aboutissement à être présent ici. Les épreuves qualificatives à l’UTMB de 2022 : le trail de Verbier 100K, le Trail de Nice Côte d’Azur, les autres trails de préparation, la reconnaissance du parcours en 4 jours effectuée mi-juillet, les longues sorties dans la vallée de Chevreuse ou en Corse sur le GR20 cet été en pleine chaleur et les allers-retours enchainés sur les côtes de Gif-sur-Yvette pour accumuler du dénivelé. Mais aussi les quelques pépins physiques qui ont jalonné cette longue préparation, jusqu‘à quelques jours avant le départ … C’est un édifice construit pierre par pierre depuis 2 ans et même depuis mes débuts en course à pied il y a un peu plus de 10 ans, qui me permet de prendre le départ aujourd’hui. L’UTMB ! 4 lettres qui représentent le Graal et la consécration pour un trailer lambda comme moi. 

Je sens monter l'émotion, mais je me reprends et repense au long chemin devant moi, à ces montagnes, à ces cols à gravir, ces descentes, ce parcours que j’ai reconnu il y a 6 semaines. Une immense épreuve m’attend que je m’apprête à affronter avec gravité. 

Le compte à rebours est lancé, le départ est donné à 18h pile. Les coureurs élites sont partis, une gigantesque clameur retentit. Je mets 2 à 3 minutes pour franchir la ligne de départ, le temps que le flot des coureurs s'écoule. 

La clameur continue pendant toute la traversée de Chamonix. Il y a des milliers de spectateurs dans les rues, le passage est étroit, nous devons marcher. L’ambiance est indéfinissable ! Nous sommes portés par la foule, par le son des cloches et par les cris. A la sortie de Chamonix, la route est large et nous pouvons enfin nous mettre à courir. Il y a toujours de nombreux spectateurs qui nous encouragent sur le bord de la route puis le long du chemin. Cela va durer les 30 premiers km jusqu’aux Contamines. J’entends des "Allez Jean-Raoul !" à droite puis à gauche. J’essaie de rester concentré. Je savoure tout de même ce moment de gloire !

La première difficulté se situe après les Houches au bout de 7km. Il s’agit de la montée du col de Voza 800m de d+. Je la gravis assez facilement d’autant que les arrêts sont fréquents en raison des nombreux bouchons. 

La descente est assez raide. Dès les premiers lacets je ressens une douleur au genou gauche qui m’inquiète. Je n’imagine pas passer toute la course avec cette douleur. Je tente de l’oublier, mais elle sera bien présente pendant toute la descente. 

Saint-Gervais (21h19, vendredi soir)

J'arrive à Saint-Gervais à la tombée de la nuit. L’ambiance est quasi hystérique. Je parviens à retrouver Cécile dans cette foule. Nous partageons quelques commentaires sur la folie qui a envahi la ville et échangeons quelques baisers. Je vois sur son visage l’excitation et la fierté.

 Le chemin entre Saint-Gervais et les Contamines est un faux plat légèrement montant d’une dizaine de kilomètres qui nécessite de nombreuses relances. Nous sommes toujours portés par le public et ses encouragements. Le rythme reste relativement rapide. A l’approche des 5 heures de course la fatigue pointe le bout de son nez. 

Les Contamines (22h57)

J’atteins le ravitaillement des Contamines pour prendre une petite pause. Celui-ci est totalement surchargé. Difficile de se frayer un chemin, je parviens à prendre un peu de Coca, grignoter quelques morceaux de fromage et de jambon, puis je repars assez vite. A la sortie un petit courant d’air vient me rafraichir, j’anticipe l’ascension à venir, et j’enfile ma polaire. 

Je vais la retirer quelques centaines de mètre plus loin. Je peste pour cette erreur d’appréciation qui me fait perdre quelques secondes précieuses, sic !

il fait encore bien chaud à 23h du soir dans la vallée. Après encore 4 km de faux-plat montant, je passe notre Dame de la Gorges, pour engager la deuxième difficulté, l’ascension du col du Bonhomme. Nous quittons maintenant la civilisation pour changer d'univers, pour une terre bien plus inhospitalière. Les spectateurs ont déserté le chemin et ont fait place au silence. Dans cette montée vers les cimes, je ressens une forme de respect pour la grandeur de ces montagnes qui nous accueille exceptionnellement. Une longue guirlande de lumière ininterrompue serpente jusqu'au sommet. 

Nous avançons cul-à-cul dans la pente. J'examine les drapeaux sur les étiquettes accrochées au dos des sacs des concurrents voisins. Il y a toutes les nationalités, dont beaucoup de drapeaux que je ne connais pas. Il faudra que je révise avant mon prochain UTMB, si je me décide à en faire un autre !?

Un premier groupe de sud-américains vient troubler cette procession quasi religieuse. Ils parlent très fort. Un flot continu de paroles sort de leur bouche et vient rompre le recueillement. Je tente de m'extirper de ce groupe et lance une accélération soudaine pour me porter vers l'avant. Une dizaine de mètres plus haut, leur voix se fait plus lointaine. Je retrouve un peu de sérénité lorsqu’un groupe d'espagnols devant moi prend le relais et déverse à nouveau une litanie de mots incompréhensibles pour moi.

Je me demande alors s’il y aurait une explication scientifique à cet étrange phénomène qui se manifeste chez certains hommes ou femmes qui ne peuvent s’empêcher de parler pendant un effort physique. Peut-être une connexion automatique dans le cerveau entre le plaisir induit par l’effort et la parole ?

La montée vers le col de la Croix du Bonhomme est longue. Le froid s'installe. Ma tenue est un peu légère : une polaire, une veste coupe-vent, et short. 

Nous basculons au sommet dans la descente vers les Chapieux. Le terrain est enneigé au sommet, puis très boueux. Je reste prudent dans un premier temps par peur de glisser. Je ressens à nouveau la douleur au genou. 

Malgré celle-ci, je décide de lâcher les chevaux. La douleur semble s’estomper. J’élabore une théorie sur la lubrification des articulations à partir d’un certain niveau de sollicitation. Peu importe l’explication, tant que je peux continuer à courir dans les descentes. 

Les Chapieux (03h19 samedi, km50)

J'arrive aux Chapieux vers 3h du matin, pour un ravitaillement bienvenu. Il fait encore chaud dans la vallée. Le ravito est encore surpeuplé. On se bouscule. Je réussis à remplir mon gobelet de riz arrosé d'un bouillon très salé et sans saveur, je pioche quelques morceaux de fromage et de jambon, mais impossible de m'assoir sur un banc, il n'y a plus de place. Je jette un œil sur mon téléphone et me rend compte que j’ai reçu une déferlante de messages d’encouragement. Cela me redonne du tonus. 

En quittant les Chapieux, je croise des coureurs qui râlent et évoquent déjà l’éventualité d’un abandon. De mon côté, je me sens bien, prêt à affronter le redoutable col de la Seigne.


L'ascension démarre sur une route en légère pente puis emprunte un chemin sinueux, la lune presque pleine nous éclaire et dessine les contours des sommets environnants. Une nouvelle guirlande dessine le chemin qui mène au sommet. La file s'étire et les distances entre concurrent s'agrandissent. 

Un vent de face violent se lève. Il va m’accompagner pendant toute la durée de l’ascension. L'eau de mes flasques est gelée. Je dois maintenir un rythme élevé pour lutter contre le froid. Impossible de m'arrêter pour enfiler mon collant cela risquerait de me refroidir définitivement. Nous pénétrons ensuite dans une brume épaisse. La lumière de la lampe frontale ne parvient pas à la percer. La visibilité est très mauvaise. Mes yeux commencent à fatiguer.

Col de La Seigne (5h50, km61)

Arrivé au col de la Seigne, la température est glaciale je plonge tout de suite dans la pente vers l’Italie. La descente est de courte durée, nous bifurquons à gauche pour une nouvelle ascension vers les Pyramides Calcaires. 

La visibilité augmente enfin, la lueur du petit matin vient percer l’épais brouillard. Nous traversons cet univers entièrement minéral. L’ambiance est indéfinissable. Des pitons rocheux tout autour de nous jaillissent des nuages et s’illuminent de rose, tandis que le ciel s’éclaire dans un dégradé de bleu foncé, gris, bleu clair et rose. 

Nous progressons très lentement vers le sommet. Le terrain est très technique. Nous descendons ensuite sur une alternance de dédales de pierres et d'éboulements de cailloux. Quelques bouchons réapparaissent. Puis une large vallée verdoyante baignée par de nombreux ruisseaux s’étale devant nous, et au milieu apparait le ravitaillement du lac Combal. 

Lac Combal (07h38, km68)

Celui-ci ressemble à un campement perdu au milieu de la steppe. Il est sept heures du matin. Le café chaud fait du bien. Il reste une ascension vers l’arrête du mont Favre avant la descente sur Courmayeur. 

J’appréhende cette montée que j’avais trouvée difficile lors de ma reconnaissance du parcours. Je suis finalement assez surpris de la gravir rapidement et facilement. Le temps est toujours brumeux et très nuageux, le massif du Mont Blanc est totalement caché, seul un rayon de soleil au loin vient percer la couche nuageuse et éclairer le fond de la vallée du Val Veny. 

La descente sur Courmayeur est longue, le début est très roulant. Elle se termine par une partie éprouvante pour les quadriceps avec de nombreuses marches dans un dédale de racines. Au fur et à mesure de la descente, la chaleur s’installe, les premiers signes de civilisation apparaissent avec les remontées mécaniques de la station. 


J’entre dans Courmayeur à 10h15 du matin, soit 45 minutes en avance par rapport à mon temps de passage estimé pour atteindre l’objectif de 42h sur la course. 

C’est de bon augure !  

Le profil de la première partie jusqu'à Courmayeur


Partie II.


Courmayeur base de vie (10h18 du matin, km 80, arrêt de 46’) 

A l’entrée de la base, je récupère mon sac d’allègement et pénètre dans cette immense salle de sport. C’est l’heure de pointe, il y a foule. De nombreuses tables et bancs sont alignés, mais les places sont chères. Je finis par en trouver un où me poser. 

Cécile me trouve en forme. Je lui confirme que jusque-là tout va bien. Je l’avertis quand même qu’il y aura forcément un moment de la course où cela va se compliquer. 

Pendant qu’elle prépare les affaires, je me dirige vers les tables de ravitaillement. Je pioche ce qui me fait envie : un verre de Coca, quelques morceaux de fromage, un morceau de banane, quelques morceaux de pastèque, puis je regarde si un plat chaud est proposé, mais le choix est très limité. J’évite les pâtes en raison du gluten. Faute de mieux, je me rabats une nouvelle fois sur un bol de riz arrosé de bouillon trop salé. Ce n’est franchement pas top, je me force à manger. 

Cécile est aux petits soins, elle prend les choses en main et déroule avec efficacité le programme que je lui avais préparé : 1. recharger les batteries du portable et de la montre, 2. changer ma tenue, 3. changer les chaussettes et me tendre la crème Nok, 4. vider les emballages de barres, gels et compotes utilisés, puis remplir le sac avec les gels et barres prévus pour la seconde partie de la course, 5. remplir les flasques et me donner la crème solaire. 

Je suis prêt à repartir en moins de 30 minutes. Je m’accorde tout de même une prolongation, et me plonge dans la lecture de tous les messages reçus des copains de course, de la famille, des amis et même des collègues qui suivent ma progression heure par heure. Il y en a plusieurs dizaines ! J’ai du mal à croire tout ce monde suit ma progression de pointage en pointage. Je suis ému à la lecture de tous ces mots d’encouragement. 

Je repars du ravitaillement au bout de 45 minutes à 11h05 du matin, le moral est gonflé à bloc. Je donne rendez-vous à Cécile à Champex-Lac, confiant, aux alentours de 23h comme prévu dans mon planning. 


J’entame l’ascension vers le refuge Bertone avec prudence. Les jambes sont bien raides, difficile de relancer la machine ! Il commence à faire chaud. Je double quand même quelques concurrents qui calent dès les premiers mètres de la montée. Je dépasse un coureur japonais et lui lance un « good job ! » de politesse et d’encouragement. Il me remercie et me répond : « you look very strong ! » 

Il me fait sourire. Nous entamons alors une conversation, il est très sympathique. Il s'appelle Kaiichi, nous allons faire une partie de l’ascension ensemble à discuter. Grâce à lui, le temps va passer très vite. 


Après le refuge Bertone, le parcours emprunte un long passage en balcon face au Mont Blanc et aux grandes Jorasses. Il fait beau et relativement chaud, il y a quand même des nuages accrochés au massif qui réduisent la vue, mais le paysage est tout de même magnifique ! 


Je garde un bon rythme. J’entends régulièrement mon téléphone qui résonne au son des messages d’encouragements de mes amis. 


 

Arnouvaz (14h54 de l’après-midi, km 100, arrêt de 30’) 

J’arrive à Arnouvaz avec une heure d’avance sur mon planning. Ce hameau est un petit havre de paix au pied du grand Col Ferret. Il y a des pelouses vertes qui donnent envie de s’y allonger, des mélèzes qui ondulent au gré des courants d’air, un ruisseau qui serpente gentiment dans la vallée et qui enivre de sa douce musique. Tout invite à la détente… Mais je ne cède pas à cet appel et repars assez vite avec l’appréhension de la difficulté qui m’attend. 



Je retrouve Kaiichi dans la montée. Nous sommes contents de nous retrouver, mais l’heure n’est pas à la fête. Je peine dans l’ascension et lui aussi. Nous avançons lentement, le souffle court. Ce doit être l’effet de l’altitude, le sommet est à 2500 mètres environ. Finalement, à l’approche du sommet, nous nous autorisons un selfie et quelques photos. La vue sur la vallée est époustouflante. 


Le col passé, nous basculons en Suisse. La descente en direction de La Fouly s’annonce très longue. Elle est très roulante, faut-il encore avoir les jambes ! Le démarrage est laborieux, remettre les muscles en mode descente n’est pas chose aisée. Je mets de côté toutes les douleurs musculaires, range les bâtons et tente d’allonger la foulée. Le corps se plaint, se crispe, mais au bout du compte accepte docilement l’allure que je lui impose. 


Je me colle à un groupe décidé à mettre du rythme et j’avale les kilomètres jusqu’au ravitaillement de La Fouly. Je vais gagner environ 80 places sur ces 10 km de descente.

La Fouly (18h15, km 114, arrêt de 31') 

J’arrive au ravitaillement de La Fouly à 18h15. J’apprends que l’Américain Jim Walmsley a remporté la course en moins de 20 heures. Je ne suis pas étonné, j’en avais fait mon favori. Il me reste encore 60 km et plus de 3000 mètres de D+ et autant de D-. L’arrivée est encore très loin, et la deuxième nuit va commencer. 

La descente continue ensuite après La Fouly. Le terrain se fait plus piégeux, le profil est irrégulier. Il y a des portions de plats qui nécessitent des relances assez éprouvantes pour peu que l’on veuille les courir. 

Le parcours suit une vallée verdoyante avec des pâturages et de nombreux chalets. Des gens attablés prennent du bon temps à leur terrasse et profitent de cette belle soirée estivale pour prendre l’apéritif ou bien siroter un bon vin du Valais… ça fait envie ! 

Au pied de l’ascension vers Champex-Lac, je vois quelques maisons du village au sommet de la butte, visibles du bas de la vallée. Elles ne me paraissent pas très loin. C’est trompeur, l’ascension est finalement longue, raide et difficile. 

Champex-Lac (21h10, km 128, arrêt de 45’)

J’arrive à la base de vie de Champex-Lac à la tombée de la nuit. Il est 21h10, j’ai près de 2 heures d’avance sur mon planning, et toujours aucun coup de mou. J’appelle Cécile au téléphone. Elle est surprise de me voir déjà là. Elle me dit qu’elle se trouve à proximité et arrive rapidement. 

L’ambiance est très bruyante, il y a encore beaucoup de monde. Je vois des coureurs allongés sur leur banc étroit en train de dormir, d’autres sont par terre. Cécile me demande si je veux dormir. J’essaie de m’allonger sur le banc, mais je ne parviens pas à rester plus de trente secondes, c’est trop inconfortable. J’abandonne l’idée de micro-sieste. Je sens pourtant la fatigue qui m’envahit. 

La présence de Cécile me fait beaucoup de bien. Je ne m’imagine pas me retrouver seul à ce moment de la course. Son soutien est précieux d’autant que la lucidité commence aussi à me faire défaut. Elle me tend un tupperware avec de la purée de patates douces maison. C’est exactement ce dont j’avais besoin. Pendant que je mange, je me plonge dans la lecture des nouveaux messages reçus. 

Je commence aussi à souffrir des pieds, ils chauffent beaucoup. Je me déchausse et les enduis abondamment de crème NOK. Il était temps, les ampoules ne sont pas très loin.

 Cette pause de 45 minutes va me faire le plus grand bien. Je repars avec un peu d’énergie. Je suis aussi rassuré de penser que Cécile sera là lors des prochaines étapes. Je longe le Lac en courant. 

Photos du Lac de Champex lors de ma reco.


La nuit est tombée. Il y a peu de monde à se promener à cette heure. Le Lac est toujours aussi beau même à la nuit tombée. 

Quand soudain je reçois une gerbe d’eau qui me glace le sang. Il me faut quelques secondes avant de réagir et de comprendre ce qu’il se passe. C’était l’arrosage automatique des plates-bandes engazonnées qui s’est déclenché à mon passage. 

Je me remets de ces émotions et relance ensuite l’allure dans la traversée du village et dans la descente qui suit. Je double encore quelques concurrents. 

J’attaque enfin la montée vers Bovine, la première des trois dernières bosses. Le regain d’énergie apporté par la pause et par la purée de patates douces ne dure pas longtemps, je me retrouve rapidement à piocher. Je ne ressens pas vraiment l’envie de dormir, je me sens plutôt dans un état léthargique. 

Je me remémore des histoires de traileurs qui racontent des phénomènes d’hallucination, j’attends le moment où je vais voir apparaître un ours derrière le rocher. Je n’ai pas vu d’ours… en revanche il y avait de nombreuses ombres tourbillonnantes et menaçantes autour de moi qui m’ont accompagné pendant la montée. Je me sens pour la première fois depuis le début de la course seul. Je croise quelques coureurs arrêtés sur le bord du chemin qui me laissent passer. Certains autres me doublent. Nous avons peu d’échanges. Chacun se bat avec ses démons. 

J’atteins le sommet au bout d’une ascension de plus de 900 mètres de dénivelé et entame la descente. Dès les premiers mètres, je sens qu’elle va être difficile. Les sensations sont mauvaises. Ce ne sont pas les douleurs aux jambes, je sais à présent les apprivoiser. Mais je n’arrive pas à sortir de ma torpeur. J’ai perdu mes facultés de descendeur qui me permettaient de filer dans la pente et d’échapper aux pièges. La descente est longue.

Je parviens finalement au ravitaillement de Trient en limitant les dégâts. Il est 01h51 du matin. 


Trient (01h51 dimanche, km 144, arrêt de 47’) 

J’entre dans la tente du ravitaillement. L’ambiance est à la fête ! La sono est très forte. Je retrouve assez vite Cécile et trouve 2 places sur un banc juste en face de l’animateur de la soirée. Il organise une espèce de jeu avec un DJ pour rendre hommage aux pays d’un des coureurs qui arrivent. Nous avons droit à Johnny Clegg en l’honneur d’un coureur d’Afrique du Sud. 

Le contraste entre l’état de décrépitude avancé des coureurs et celui surexcité de l’animateur et des quelques fêtards autour de lui est saisissant.  

Cécile me propose le reste de purée de patate douce que je mange volontiers. Je lui demande un verre de Coca, des morceaux de pastèques puis un verre de café. Elle s’exécute. Je reste prostré et amorphe en attendant un retour hypothétique d’un peu d’énergie. 

J’essaie de poser ma tête sur la table pour tenter de dormir. Je mets des bouchons d’oreille, mais la voix de l’animateur continue de me crier dans les oreilles.  Je dis à Cécile que je ne vais pas réussir à dormir. 

Au bout de quelques minutes je retrouve un semblant de lucidité. J’échange avec Cécile et dresse un état de la situation. Je suis toujours dans les temps de mon planning avec plus d’une heure d’avance et une marge confortable de 5 heures sur la barrière horaire. Il reste 30km et 2 grosses bosses à passer. Je me persuade que j’ai réalisé le plus dur. Il ne me reste plus qu’à finir le job ! 

je mets en place une nouvelle stratégie de course : avancer coûte que coûte en mode escargot pour rallier l’arrivée sans me préoccuper du temps. 

Je me décide à me préparer pour partir et quitter cet endroit finalement peu hospitalier. Je me change, j’ajoute une nouvelle couche : collant et gilet en prévision du froid. Sans énergie je me lève et donne rendez-vous à Cécile à Vallorcine.


Je quitte Trient, longe le torrent qui traverse le village et me dirige vers la montée vers les Tseppes au ralenti. Je démarre la montée en essayant de m’économiser. Mais celle-ci est extrêmement raide. Je m’arrête tous les 3 mètres. Je n’avance pas. C’est un mur devant moi.

Le moral s’effondre. Je tente de me persuader que chaque pas en avant me rapproche de Chamonix. Mais le mental n'y est plus. Je ne parviens pas à débrancher le cerveau. Je regarde les autres coureurs me dépasser les uns après les autres, l'ascension est interminable. J'atteins le sommet sans même un soulagement. La descente sera aussi pénible que la montée. J'ai l'impression de ne plus savoir descendre. Chaque marche, chaque obstacle est une difficulté, je me raccroche à mes bâtons pour parvenir à conserver mon équilibre. Un mauvais mood m’envahit, "je vois tout en négatif".
Ce sera les premiers mots que j'échangerais avec Cécile à mon arrivée au ravitaillement de Vallorcine, après 4 heures passées dans ce que l'américaine Courtney Dauwalter (vainqueure de l’UTMB) appelle la "Pain Cave" : la caverne du mal.

Vallorcine (6h26, km154, arrêt de 47’)


Il est 6h26 du matin, le jour va bientôt se lever. Il ne reste plus que 17km et une dernière bosse. L'abandon n'est aucunement envisageable. La ligne d'arrivée me tend les bras. Le réconfort apporté par Cécile est inestimable. 

Je repars de Vallorcine avec un tout autre état d’esprit. Le jour s'est levé. Je suis dans la vallée et longe le torrent. Chamonix est juste un peu plus loin en longeant l'Arve. Mais il me faudra encore grimper 800m de d+ pour pouvoir l'atteindre. La température se fait plus douce. Un long faux plat montant me mène au col des Montets. Je souris à nouveau aux spectateurs matinaux qui m'encouragent.
Je m'engage dans l'ascension. Je me sens à nouveau dans la course. Je me fais doubler par quelques furieux survoltés. Je garde en ligne de mire d'autres coureurs que je parviens à dépasser. L'ascension est assez courte. La descente qui suit est très raide dans les racines et les cailloux. Pas question de jouer les kamikazes. Revenu dans la vallée, je m'engage dans une nouvelle ascension qui mène à la Flégère. Cette fois c’est bien la dernière montée.

 J'entends à nouveau les notifications de mon téléphone. Mes amis se réveillent et m'encouragent à nouveau. Reboosté je remets du rythme. Enfin, j'aperçois les premières remontées mécaniques qui marquent l'approche de la Flégère. Je m'engage sur la piste de ski.. Le rythme est rapide. Le cardio s’élève. 


La Flégère (10h16 , km 166) 

Arrivé au ravitaillement, je ne m'attarde pas. Je remplis mes flasques et repars aussitôt. J'appelle Cécile. Je lui dis de m'attendre à Chamonix d'ici 45 minutes, j’arrive ! Je suis un peu optimiste, la descente prendra un peu plus de temps. 

Elle est piégeuse. Je m'étais tordu la cheville lors de ma reconnaissance du parcours. Je me fais doubler au début par quelques coureurs, puis je trouve mon rythme et parviens à mettre un peu de vitesse.
A l’approche de Chamonix, je croise de nombreux randonneurs qui m'encouragent. Je leur souris et les remercie. La descente est longue, mais j'arrive finalement dans la vallée. 

Chamonix (11h25, km 173)

Je gravis une passerelle métallique qui traverse une route. Il ne reste plus qu’un kilomètre. Je crains de me faire doubler mais personne n'est derrière moi. Je peux profiter seul de l'arrivée.

Je longe le torrent. La fatigue s’est envolée. Je finis la course en courant. Le public est de plus en plus nombreux. L'ambiance monte. 

Une grande émotion m’envahit. Je suis en passe de terminer cette boucle mythique autour du Mont-Blanc. Je parcours les derniers mètres avec le sourire et reçoit les encouragements avec une immense gratitude. Je me rapproche du centre-ville et c'est une foule entière qui m'acclame. 

C’est un moment unique, une récompense à la hauteur de ces 41h32 minutes d’effort.

 J’aperçois Cécile juste avant l’arrivée. Elle coure à ma rencontre. Je ne m’arrête pas. Je lui prends la main et nous courrons ensemble sur le tapis, acclamé par le public pendant que le speaker annonce mon nom au micro. Nous franchissons ensemble la ligne d’arrivée de l’UTMB. 


Nous profitons tous les deux de cette ligne d’arrivée. Les visages autour de nous sont attentionnés. Il y a des photographes. Nous ne le savions pas mais notre arrivée sera aussi filmée en direct sur la chaine internet de l’UTMB et sur la chaine l’Equipe. 


Après un moment on nous invite gentiment à laisser la place. Puis à notre grande surprise nous voyons deux visages connus Pascal et Nathalie des amis d’Evian qui étaient à Chamonix et sont venus m'accueillir. Pascal avait terminé la CCC la veille. Il me félicite. Je me rends compte du chemin parcouru depuis Evian...


Un immense merci à Cécile ! Sans qui je n'aurais sans doute pas pu finir la course. 

Merci à tous pour votre soutien ! Vos messages encouragement m'ont vraiment fait chaud au cœur et m'ont aidé dans cette quête. je vous dédie évidemment ce récit !


Temps de course 41h32, rang: 1019 sur 1757 arrivés, 37ème de ma catégorie. Il y a eu plus de 900 abandons.

La deuxième partie depuis Courmayeur








Le VVX trail 111km - 2023

Le VVX trail 111km - 2023

Le VVX trail 110km 3500md+ était la deuxième course programmée cette année, sur la route de mon UTMB 2023. Le VVX pour Volvic Volcanic Expérience est comme son nom l’indique une course au départ de Volvic et qui parcourt la Chaîne des Puys (les volcans d’Auvergne). 

J’aborde cet Ultra avec une relative insouciance sans trop me projeter et sans vraiment appréhender la difficulté à venir. J’avais certes déjà réalisé un ultra de cette distance, le trail de Nice Côte d’Azur en 2022. En revanche, ma course précédente, la Diag78 de 100km réalisée quelques semaines plus tôt avait été bien difficile et ne me donnait aucune confiance pour aborder ce défi de niveau supérieur. De plus, entre la récupération de « la Diag78 », une mini entorse et un emploi du temps pro chargé, la préparation n’avait pas été idéale. Je suis donc surpris de mon faible niveau de stress avant d’aborder l’évènement. 

Arrivés la veille de la course avec Cécile, nous nous rendons directement sur le lieu de l’organisation à Volvic, sur l'ancienne usine d'embouteillage des eaux du même nom, récupérer mon dossard. Il y a beaucoup de monde. Je me sens dans mon élément avec tous ces trailers. Je ne ressens pas encore l’excitation de la course. 



Nous prenons ensuite possession de notre gite à proximité de Clermont-Ferrand. Le réveil est programmé à 2h15 pour un départ de course prévu à 4h. Sans trop d'anxiété je parviens à dormir quelques petites heures, et me voilà à 4h du matin sur la ligne de départ. 

Le speaker rameute la foule des trailers à moitié endormis sur la ligne de départ. Puis confie le micro à François D'Haene, parrain de l'épreuve, qui lance aux quelques 600 trailers rassemblés et prêts à en découdre, quelques mots d’encouragement. C’est sympa !


Et c'est parti ! le départ est donné, je me suis placé à l'arrière. Je vois le flot des coureurs partir devant moi, et je réalise que je prends un risque d’être bloqué par les bouchons. Le peloton s'étire dans la montée, sur un chemin assez large. Après 3 ou 4 km, les premiers ralentissements apparaissent dès que le chemin se fait plus étroit. Puis plus loin, un nouveau bouchon m’arrête quelques minutes. Moi qui ne voulais pas partir vite, je suis servi !
Une première montée de 800 mètres avant le premier ravito, nous met tout de suite dans l'action. 


Je me rends compte que la majorité des coureurs sont munis de bâtons. J’avais fait le choix de ne pas en prendre. je n'avais pas fait encore d’entraînement avec et je n’avais pas jugé suffisant les 3500m de d+ annoncés pour les apporter. Je me dis que je vais peut-être le payer à la fin de la course sur les dernières bosses. 


La forêt est dense sur cette première partie. Il fait encore nuit quand les chants des oiseaux s'élèvent, avant que le jour commence à poindre. Nous sortons de la forêt obscure et nous découvrons les premières lueurs du jour. Le sommet nous offre un panorama sur la chaîne des puys qui émergent dans la brume. 


Nous apercevons aussi au loin le Puy-de-Dôme qui se présente à nous. C’est le gros morceau !


Au pied du Puy-de-Dôme et dans la montée nous croisons les coureurs qui redescendent du sommet par le même chemin. Ils doivent avoir une bonne avance. Le ravitaillement des 30km nous attend au sommet. L’ascension est bien raide, ça pique ! 



Au sommet, un vent glacial m’oblige à m’arrêter pour enfiler un coupe-vent, des gants et un bonnet. Nous faisons le tour du sommet en plein vent pour admirer le paysage à 360 degrés. 



Je me restaure rapidement et redescends dans une pente tout aussi raide qui brûle les cuisses. Après ces 1800m de d+ gravis sur les 30 premiers km, la suite du parcours s’annonce moins accidentée avant de rejoindre en fin de parcours quelques belles bosses qui devraient faire mal.



 Je jette un œil sur le site live de la course. Malgré mon départ prudent, mon temps de passage au Puy-de-Dôme est en avance sur mon planning, d’environ 30min. Je préviens Cécile par message pour qu’elle anticipe mon arrivée sur le ravitaillement au château de Montlosier. 

Un peu plus loin, j’aperçois un groupe venant d’un autre chemin et opérant visiblement un demi-tour. Ils ont raté la bifurcation. Ils me doublent rapidement sans doute énervés d’avoir perdu des minutes précieuses. Puis quelques kilomètres plus loin c’est moi qui me fais prendre. je suivais une coureuse, je la vois s’arrêter, puis opérer un demi-tour. Elle me dit qu’elle a dû rater une autre bifurcation ! Moi je n’ai rien vu et nous voilà revenir sur nos pas sur quelques centaines de mètres à la recherche d’une balise pour retrouver notre chemin. C’est rageant ! 


A l’approche des 45 km, je me sens toujours en forme. Je garde la même allure que sur le début de la course. J’attends tout de même avec impatience le prochain ravitaillement où Cécile devrait m’attendre. 

 

J'arrive au ravitaillement du Château de Montlosier, je ne vois pas Cécile. Je vais la rater à quelques minutes près. Mon estimation du timing n'était pas juste. Je passe avec 45 minutes d'avance au ravito. Je repars du ravito, un peu déçu de ce rendez-vous manqué. 



Le moral reste bien orienté. Pas de défaillance en vue, je passe les 50 km avec les voyants au vert.


L’allure a baissé par rapport au début, en revanche je commence à apercevoir des coureurs au ralenti que je commence à doubler. Le profil est assez plat. Il faut garder l’allure. Relancer dans les faux plats montants. Rien lâcher ! quand la fatigue se rappelle à vous en permanence. Il n’y a pas d’ascension pour permettre de marcher, ou de descente pour se relâcher.



La difficulté réside dans l’usure et la fatigue qui monte petit à petit. Une nouvelle course démarre. Je me mets en mode combattant avec de fréquents coups d’œil sur ma montre pour relancer l’allure et le cardio lorsque celui-ci m’indique qu’il y a un peu de marge. J’aperçois au loin un concurrent, je vois progressivement l’écart se réduire jusqu’à le passer. Nous échangeons quelques mots, je m’efforce de l’encourager. Puis un autre apparait. Ce scénario se répète coureur après coureur. je regagne des places une à une. Je maintiens mon allure au prix d’une lutte avec moi-même pour continuer à garder ce même élan. 



Seuls les ravitaillements constituent un moment de répit. Je prends un peu de temps pour m’alimenter et pour jeter un œil sur les messages d’encouragement. Cécile me retrouve sur 2 d’entre eux. 

J’avale avec gourmandise la purée de patates douces qu’elle m’a apportée. Je me vois en train de manger rapidement ma purée et j’ai un flash qui apparait : je vois Matthieu Blanchard au dernier ravito de Vallorcine sur l’UTMB 2022 lorsqu’il est à la lutte avec Killian Jornet. Alix, sa compagne qui réalise son assistance, lui tend une purée qu’il ingurgite en une poignée de seconde. Au moment où il s’élance juste devant Killian après un « pit stop » express, elle lui lance à l’oreille quelque chose comme « tu vas le bouffer ! ». Un moment d’anthologie ! 

Non ce n'est pas les premiers signes d'hallucinations! Je me prends juste à rêver. 

Mais évidemment je ne joue malheureusement pas les premiers rôles … 


Je garde en mémoire, le coup d’œil que j’avais jeté à mon classement au premier pointage au sommet du Puy-de-Dôme, 450 sur 600. Je me dis que ce serait bien de parvenir à descendre au moins sous les 400. Au départ des ravitos, j’essaie de relancer la dynamique, mais la machine a beaucoup de mal à redémarrer, je mets plusieurs minutes à reprendre mon allure. Je reconnais les premiers concurrents que je double. Je les avais déjà passé avant le ravitaillement. Ils ont dû faire une pause plus courte que la mienne. Je m’accorde tout de même quelques arrêts pour prendre des photos, puis je relance.



A l’approche des 100km, le profil du parcours change à nouveau. La pente devient raide. Les mains sur les genoux je pousse pour tenter de soulager mes cuisses. Les autres concurrents poussent sur leurs bâtons ce qui présente forcément un avantage après 14 heures de course. Je parviens tout de même à maintenir ma position dans la montée, et je regagne encore quelques places dans la descente qui suit. 


J’atteins le dernier ravitaillement, il ne reste plus que 11 km et une grosse bosse à gravir avant l’arrivée à Volvic. Je retrouve Cécile. Je me pose sur un banc et me fait servir. Je prends un peu de temps. Je ne veux pas connaitre de défaillance, si près de l’arrivée. Je fais un point sur mon planning. Un décompte rapide me dit que je suis en avance de près de 50 minutes sur mon temps prévu. J’avais estimé mon temps de course possible à 18 heures. Finalement, je me demande si les 17 heures ne seraient pas atteignables ?

 

Je repars avec confiance et regagne assez vite les positions perdues lors de mon arrêt. 

A environ 5km de l’arrivée, je me dis que je suis à la limite de la rupture, je m’accroche et me persuade de pouvoir tenir ce rythme jusqu’à l’arrivée. J’aperçois Volvic au loin en face, l’espoir d’une arrivée plus proche que prévue disparait assez vite, le chemin se détourne à droite pour passer par la dernière grosse bosse. 

Je livre mes dernières forces dans la bataille.  Il n’y a plus de calcul. Je suis dans le rouge. Il fait presque nuit. Je ne m'arrête pas pour aller chercher ma frontale au fond de mon sac. 

La ligne d’arrivée est là à 1km, 500m, je vois Cécile qui me fait des grands signes et je passe la ligne d'arrivée.  

Je m'écroule presque juste derrière. 


Il me faut quelques minutes pour retrouver mes esprits. Je vois un écran d'affichage. Je cherche mon nom. Je le vois dans la liste. mon temps et mon classement s’affiche 17h02 et 280ème au scratch. 



Debrief de la course : 

J’ai vécu une course pleine que j’ai eu l’impression de maitrisée, et ce n’est pas souvent le cas. La remontada avec 170 places gagnées entre le trentième km et l’arrivée était très grisante. Je pense que c’est grâce à un départ prudent et une bonne gestion de course, je ne me suis pas enflammé, que j’ai pu éviter la défaillance. 

C’était une course 100% plaisir. Même si je suis resté focus sur toute la course, j’ai tout de même eu de nombreux échanges, et petits mots d’encouragements. C’est aussi cela le trail !  

Le balisage était très correct, mon erreur de parcours était sans doute dû à une faute d’inattention. Les ravitos étaient assez bien fournis. Il manquait à mon goût des soupes et un plat chaud sur un ravito. Pour le reste l’organisation était au top. 

Le lieu d’accueil à Volvic était vraiment sympa, avec buvette, food trucks, concerts et animations, nous n'en avons pas beaucoup profité, dommage. A redécouvrir une prochaine fois donc. 

Les paysages étaient d’une grande beauté. Je garde un bon souvenir du lever du jour au sommet d’un des puys, du passage au sommet du Puy-de-Dôme et des paysages volcaniques surprenants tout au long du parcours. 

J’embrasse ma chérie qui m’a accompagné dans cette aventure et m’a bien soutenu. 

Je remercie les copains, et aussi la famille pour tous les petits mots d'encouragement qui m’ont fait très plaisir.

Prochain rendez-vous, le 1er Septembre, « La course de quartier ».

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La diagonale des Yvelines 2023

Sur la route de l’UTMB 2023, j’avais programmé ma première course préparatoire début avril - La diagonale des Yvelines. Une course longue sans trop de dénivelés (1500m pour 100km) à proximité de la maison. 


Levé tôt samedi 1er avril dans la nuit, Cécile m'a accompagné au départ à Breuil-les-Bois dans le nord des Yvelines près de Mantes-la-Jolie. Nous rejoignons un petit gymnase lieu du rassemblement où 140 trailers sont déjà rassemblés, prêts à en découdre avec la centaine de km et 1500m de d+ annoncés. 

Je suis impressionné par la carrure d'un grand nombre de coureurs (comme habituellement sur les trails long la population est essentiellement masculine) et me fait la réflexion que le morpho type de l'ultra-trailer est plus costaud que celui des coureurs à pied. Cela reste à démontrer … Cécile me rappelle une citation que j'avais partagé avec elle, et que je trouvais motivante pour accomplir mes séances de renforcement musculaire hivernales. 


« Un corps faible commande - un corps fort obéit ! » 


Le départ est donné sans grand cérémonial. Les premiers km se font à la lueur des frontales. La température est fraîche, mais le temps est encore sec. Nous traversons un paysage campagnard. Les chemins agricoles longent les champs de prairies, et traversent quelques fermes. Je me crois au beau milieu de la Normandie. L'allure est relativement rapide. Je me laisse entrainé par le flot des coureurs. Mon rythme cardiaque est un peu au-dessus de celui que je m’étais fixé, en moyenne à 150 bpm. Il est toujours difficile de se freiner et de se laisser doubler en début de course


Nous atteignons au bout de 2 heures, le premier ravito de Orgerus. Je remplis mes flasques, prends quelques carrés d'emmental et c'est réparti après 3 min d'arrêt seulement. Je suis en avance sur mon planning.


Le ravito suivant se situe à 18km après 2 nouvelles heures de course. Le rythme reste encore relativement élevé. Je ne faiblis pas mais je sens la fatigue peu à peu gagner du terrain. La pause est à peine peu plus longue, 6min d'arrêt.


Le parcours est assez plat jusque-là. Un paysage forestier s'est installé. C’est assez monotone. Je m’octroie quelques pauses pour prendre des photos.

A l'approche du premier ravito "solide" de la mi-course, je ressens une grosse fatigue. Mon rythme a fortement ralenti. Il y a aussi quelques bosses qui me forcent à marcher.



Le ravito se situe sur une plage de sable, sur la base nautique des Etangs de Hollande. Le cadre est sympa, en revanche je suis déçu par le ravitaillement proposé.



A part un bol de pâtes que je ne peux pas manger (je ne supporte pas le gluten) il n'y a rien de plus que ce qui est proposé sur les ravitos "liquides". Je grappille tout de même les quelques carrés de fromages et bouts de jambon restants, avec un verre de Coca. 

Le soleil perce un peu mais un vent frais balaie la plage, et je repars pour ne pas trop me refroidir, après 16 min d’arrêt.


L’allure est désespérément lente. Les jambes sont lourdes. La pause ravitaillement ne m’a pas vraiment requinqué. Un bon plat solide et salé me manque très clairement.

Une ligne droite interminable d'au moins 5km finit de m'épuiser. Je me fais doubler par une fille assez costaude. J'essaie tant bien que mal de m'accrocher à elle.

Puis soudain, la voilà qui prend la tangente dans la forêt pour se réfugier derrière un bosquet... ça semble assez pressé !


Quelques hectomètres plus loin, elle me rattrape et me redouble. Cela finit de me mettre le moral en berne. Je me traîne lamentablement. Je me force à prendre un gel et à bien boire, et me persuade que cette mauvaise passe va finir et que la forme va revenir.

J'enchaîne de longs passages à marcher entrecoupés de quelques courses.
Je fais un brin de conversation avec un gars qui se plaint que ses chaussures lui font mal.
Il a commis l'erreur de chausser ses chaussures toutes neuves pour l'occasion !


J'attends avec impatience le ravitaillement d’Auffargis où je devrais retrouver Cécile.
Ça y est le point de rdv est en vue et j’aperçois Cécile se faire tracter par Olympe. Léopold et Justine les accompagnent, ils me font des grands signes. Je leur partage que je traverse un moment compliqué. Ils vont être aux petits soins avec moi.


Je m’assois, Cécile me présente une purée de patates douces, Justine remplis mes flasques d’eau et m’apporte aussi un verre de Coca. Léopold paraît dubitatif sur mon état. Il me félicite et m’encourage, mais je crois deviner qu’il ne comprend pas pourquoi je me mets dans des états pareils !  Leur présence et leur soutien me font du bien et mes doutes parviennent à s’envoler. La purée de patates douces terminée, je peux entamer la dernière partie, reboosté. Il reste 30km à parcourir, c’est une nouvelle course qui commence.


Les alentours d’Auffargis et de Cernay sont mon terrain d’entrainement. J’aime bien cette forêt de chênes et de pins, ces champs de fougères, ces sols sablonneux, ces "singles" et ces raidillons. La fin de la course se passent correctement, mon rythme cardiaque plafonne à 130 bpm, je n’ai plus les ressources d’aller au-delà. Mais je parviens tout de même à courir lorsque le profil le permet.

Les paysages deviennent de plus en plus sauvages à mesure que l’on se rapproche de Rochefort-en-Yvelines. Je croise quelques membres du "JDM" venus donner un coup de main à l’organisation. Certains me reconnaissent et m’encouragent.

Je termine après 13h29 de course, avec 50’ de retard sur mon planning mais tout de même satisfait. 


Je savoure la tartiflette servie à l’arrivée. Elle était top ! 


Au bilan, la course était très bien organisée, je ne reviendrais pas sur les ravitos… Les paysages étaient plutôt sympas. Il s’agit d’une très bonne alternative à l’Ecotrail Paris. Sans la Tour Eiffel à l’arrivée mais avec une tartiflette qui vient récompenser les finishers. Je les recommande. 


Place à la prochaine course de préparation le 19 mai, la VVX 110km à Volvic.


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Trail de Haute Provence, Cap à Lure

Le trail de Haute Provence « Cap à Lure » est une course au départ de Forcalquier qui chemine de village en village au cœur de la Provence, pour rejoindre le sommet de la montagne de Lure qui culmine à 1800m d'altitude.

Le temps semble s'être arrêté sur ces paysages dépeints par Cézanne et par Giono, sur ces champs de blés colorés de coquelicots et caressés par le vent, ces mas de pierres sèches, ces forêts de chênes sauvages, et ces champs de lavande, pas encore en fleur à cette époque de l'année.

Après avoir récupéré mon dossard la veille dans le village qui s'était déclaré en fête ce WE du 27 au 29 mai 2022 - il n'y avait pas moins de 7 courses organisées de 8km au 160km durant ces 4 jours de l'Ascension - me voilà rentré avec mon dossard du 80km " cap à Lure", chez Paul et Pascale, mes amis de Provence qui m'accueillent pour ces quelques jours à Banon, petit village très pittoresque à 25km de Folcalquier. Après une nuit très courte (stress + réveil à 2h), j'étais sur la ligne de départ à 5h du matin, avec 132 participants à mes côtés. 

Départ tranquille, je me place à l'arrière du peloton sachant que la route va être longue, mais sans trop savoir non plus ce qui m'attend. Le jour commence à poindre, sur les collines qui surplombent Folcalquier. Un concert de chants d'oiseaux nous éveille à la beauté de cette nature.

Une colline, puis une vallée, un village, puis une autre colline nous mènent au premier ravito au 22e km, accueillis par des bénévoles nombreux et aux petits soins. Sans m'attarder je continue mon périple pour rejoindre le deuxième ravito une dizaine de km plus loin. 

La course est lancée, le soleil est déjà haut, les discussions commencent avec quelques participants.

J’entame la conversation avec un Marseillais haut en couleurs à qui je me permets de conseiller d'ôter sa frontale qu'il a gardé sur la tête. Il me remercie et nous tapons la discute pendant quelques minutes. Un autre gars très sympa vient se mêler à la conversation. Je les retrouverai à l'arrivée lui juste devant moi, et le marseillais 2 minutes derrière. On se tapera dans les mains, heureux d'en avoir terminé après un long périple.

Je retrouve Cécile, ma femme, mes amis Paul et Pascale et ma chienne Olympe au ravito de Lardiers, après 29km et déjà plus de 1500m d'ascension cumulée. Ma chienne jappe et entame une danse de l'arrière-train en me reconnaissant de loin, ce qui fait rire tous les bénévoles.


L'ambiance est à la rigolade, il y en a un qui se moque de ma casquette saharienne en me comparant à une bonne sœur de St Tropez.

Avant de repartir je jette un coup d'œil sur le parcours à venir, 900m d+ à avaler avant le prochain ravito, je me dis que le gros morceau est devant moi, 900m d'ascension avant le prochain ravito, ça calme!

L'ascension se fait dans une combe en sous-bois, sur un matelas de feuilles qui nous arrive au niveau des mollets. Le bruit des feuilles et celui du vent dans les chênes, me rappelle de lointains souvenirs de poésie de Giono. 

La pente devient de plus en plus forte. Avec la magie du lieu et l'effort accompli l'atmosphère n'est plus au partage, on se recentre sur soi : l'écoute de la nature mais aussi l'écoute de ses propres sensations, la fatigue est bien là. Je suis un couple devant moi. L'homme en tête imprime le rythme, la femme 10m derrière sur ses talons et moi 10m derrière m'accroche à ce rythme. Je vais les suivre pendant une bonne partie de la montée et finalement pas très loin du sommet, je me laisse décrocher sentant le point de rupture arriver.


Dans la descente, je retrouve le couple et l'on échange quelques mots sur le nombre d'ongles de pied que l'on va perdre ou qu'il nous reste encore. Je reprends des forces ... et me décide à accélérer un peu. 500m plus bas nous voilà repartis dans une ascension pour rejoindre le ravito. La reprise est terrible. Le cardio s'affole. 

Déshydratation ? Hypoglycémie ? Rythme trop rapide ? Peut-être un peu des trois. Je décide de m'accorder une longue pause au ravito de la vallée de Briau (42e km). L'estomac serré, je me force à boire. Je tente de m'alimenter avec du fromage ou du jambon, mais impossible de déglutir. Seuls 2 ou 3 morceaux de banane parviennent à passer, je tente de la pastèque qui passe finalement très bien. Le couple arrivé 2 minutes après moi est déjà parti. Le ravito se vide et je reste toujours scotché. Une nouvelle ascension de 900m d+ se présente à moi.

Je me décide quand même à partir. Le rythme est lent, je suis tout seul, sans repère visuel, je continue l'ascension sur un rythme qui semble me convenir, je sors de la forêt pour déboucher sur un paysage à couper le souffle.


Le sommet semble là à ma portée, ce ne sera que le début de la crête suivie d'une succession de montées et descentes pour terminer au sommet de Lure. Le paysage est grandiose, avec une vue à 360°.

Je croise un gars sur le bord du chemin allongé sur le dos, jambes repliées. Je lui demande si tout va bien, il me répond avec un large sourire que c'est juste des crampes. 

Quelques rares promeneurs me regardent passer, ils m'encouragent, je les remercie pour ce petit réconfort. Le sommet est en vue cette fois. 

Je jette un coup d'œil sur mon roadbook, le prochain ravito est encore loin 500m en contrebas après le sommet. J'entame la descente sur un bon rythme, en espérant que mes quadriceps tiennent les plus de 2000m de descente restante jusqu'à l'arrivée. 

Je retrouve le couple un peu en difficulté la femme est cette fois en tête et c'est l'homme qui est derrière. Au ravito de la station météo de Lure, je tente encore une fois de m'alimenter. Quelques morceaux de banane, de la pastèque, impossible d'avaler autre chose. Le coca me redonne un petit coup de fouet, je replonge dans la descente. 

La chaleur commence à se faire étouffante. Je suis surpris que le chemin s'élève à nouveau, j'avais raté ces 200m d+ dans le parcours ! La côte fait très mal ! Je me force à boire. La chaleur m'écrase. 

Enfin la descente arrive, 900m d- avant le Ravito de St-Étienne. Elle est d'abord cassante, avec beaucoup de pierres, puis plus roulante en sous-bois dans les feuilles. 

J'arrive à Saint-Étienne-les-Orgues où Cécile et mes amis m'attendent. Cela me donne des ailes, j'essaie de courir à l'approche du ravito, pour me montrer sous mon meilleur visage.

Je rattrape un concurrent, je le reconnais, nous avions discuté au tout début du parcours en compagnie du marseillais. Au ravito, nous échangeons quelques mots chacun sur sa chaise, abattus de fatigue. 

Il y a une complicité entre nous, nous sommes en quelques sortes des compagnons d’effort. Je le regarde, il a l'air vraiment au bout du rouleau. Je me demande si je ressemble à cela, Cécile me dit qu'elle ne me trouve pas si mal ! J'essaie de me rassurer en me disant qu'il ne reste plus de grosses difficultés, juste 15km 500m d+ et 600m d-. Les barrières horaires sont loin, c'est quasi gagné. 

Je m'attarde un peu et savoure dans la douleur ce petit moment de repos. Le gars lui est déjà parti. Un dernier bisou, je dis à Cécile "à tout à l'heure à Folcalquier", plein de confiance.

Après 1 km, je vois ce même gars 100m plus loin qui semble au ralenti. Loin de me réjouir d’avoir l’opportunité de gagner une place, je compatis de ses difficultés. Mais j’ai un peu préjugé de sa défaillance. Il a dû sentir que je le rattrapais, et a réussi à trouver les ressources pour accélérer. Je ne l'ai plus revu finalement avant l'arrivée. 

J'avance à mon rythme. Je retrouve un peu de lucidité pour faire un check-up général, me force à avaler de l'eau, une pâte de fruit, un quart de compote, une bouchée de barre céréales. Tout cela me dégoutte, mais pas question d'avoir une défaillance maintenant, si près du but. 

Tous mes sens sont en éveil, je suis à l’affut de la moindre alerte. Je me dis que ça va le faire. Puis je savoure serein ces derniers km, heureux de ce que j’ai accompli. Il ne peut plus rien m’arriver.

 Un dernier ravito, il reste 9km et encore 400m d'ascension. Je double deux concurrents qui marchent et n'ont visiblement plus envie de se faire mal, je garde mon rythme, qui est très lent mais tout de même constant, je rattrape un jeune d'une vingtaine d'années, au ralenti. Il est hagard. Je lui demande si ça va, il me répond un "mouais" pas très convaincu. J'essaie de l'encourager comme je peux. 

Il reste 7km. Et Forcalquier est en vue ! C’est l'arrivée !


Les derniers mètres sont légers. Je vois Cécile et mes amis de loin qui poussent un cri. Ils semblaient surpris que je sois déjà arrivé. J'entends quelques applaudissements et encouragements avant la ligne d'arrivée. Je retrouve mon gars entr'aperçu quelques km avant, qui longe les barrières avec un énorme sourire de finisher ! Je m'arrête pour le féliciter pour sa superbe fin de course, heureux pour lui, qu'il ait su résister à mon retour ! Et je franchis à mon tour la ligne d'arrivée en levant les bras au ciel.


Distance 80km, 3800md+ Mon temps 14h51. Mon classement 84e au scratch (12e V2) sur 152 inscrits, 132 partants, 16 abandons ou hors-délai. Le trail le plus long que j'ai fait jusque-là !       

Quelques leçons que je conserve pour mes prochaines courses : La gestion du stress est à revoir, j'ai très peu dormi les 2 nuits précédentes. Elles ont certainement pesé pendant la course. 

Je n'avais pas pris mes bâtons (j'ai perdu un des gantelets de mes Leki en faisant mes bagages), les quadris ont finalement tenu ! Merci le programme de ppg! (FITRUN Challenge 100jours de renfo trail pour ceux que cela intéresse) 

La gestion de l'alimentation et de l'hydratation est sans doute à revoir. Au final, j'ai pris beaucoup de plaisir et rencontré aussi quelques moments de souffrance mais je vais très vite les oublier j'en suis sûr. La course en elle-même était très bien organisée. Le parcours était magnifique et varié. Je recommande vivement.

Un énorme merci à Cécile et à mes enfants qui m’ont soutenu pendant la course et pendant les semaines de préparation. 

Un énorme merci aussi à mes amis Paul et Pascale qui m’ont proposé ce Trail, nous ont hébergés durant ces quelques jours, nous ont fait découvrir ce coin de paradis et avec qui nous avons passé des moments inoubliables ! 

Merci à tous les amis coureurs du club de Gif, pour leurs encouragements ! j’espère que ce petit récit donnera envie à certain de se lancer dans une telle aventure. Merci à tous mes amis du « Grand Beau » pour leurs encouragements.

Rendez-vous au Trail de Verbier Saint Bernard début juillet 2022, ma prochaine étape...

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